Résumés et biographies

Table des matières

Nathalie Estienne (Université Lumière Lyon 2)

De la voix « neutre » à la singularité vocale : analyser des voix chantées d’enseignants d’éducation musicale

Depuis les années 2000, un nouveau paradigme s’est dessiné dans le contexte de l’éducation musicale dans l’enseignement secondaire en ce qui concerne la manière de chanter pour enseigner, ou plutôt la manière dont il ne faut pas chanter. Parallèlement, l’idée selon laquelle le chant d’un enseignant doit irriguer tous les espaces d’apprentissages musicaux, dans les activités de production comme dans celles de perception, est institutionnellement avancée. La voix chantée de l’enseignant est ainsi envisagée comme un geste professionnel central dans la pédagogie et la didactique de l’éducation musicale. Face à cette double contrainte, une enquête antérieure par entretiens (Estienne 2018) auprès de 15 Inspecteurs Pédagogiques Régionaux (IPR) a mis en évidence la difficulté à donner des contours définis au profil vocal attendu chez un enseignant, laissant peu à peu émerger un profil dont l’ambiguïté se résume dans l’expression d’une voix « naturelle mais travaillée ». L’accent est alors mis sur la nécessité du caractère stylistiquement « neutre » de la voix de l’enseignant appelé à chanter des répertoires marqués par la diversité, au cycle 3 comme au cycle 4.

Notre problématique est la suivante : y’a-t-il un intérêt à analyser la voix « neutre » des enseignants d’éducation musicale ? Qu’est-ce qu’une telle étude peut apporter 1) à la connaissance du métier et 2) à la connaissance de la voix chantée « ordinaire » ?

Dans un premier temps, nous tenterons de donner de la visibilité sur ce que peut être une « voix naturelle mais travaillée » dans le cas d’un échantillon de 10 voix chantées d’enseignants enregistrées, d’une part à la lumière de quelques éléments de leur analyse acoustique et d’autre part, en nous appuyant sur les commentaires de ces voix recueillis auprès de cinq IPR auxquels on a passé l’échantillon. Par l’analyse croisée de ces deux types de données, nous monterons de quelle manière l’ordinaire attendu de la voix chantée tend en fait vers une forme de singularité vocale dans laquelle se tissent entre eux des paramètres acoustiques, des tendances esthétiques, et tout un « narratif » né d’un mécanisme de projection où l’auditeur exporte ses propres représentations et identifications sur la voix émise. Ainsi, au-delà des problématiques centrales dans l’enseignement de l’éducation musicale et de la formation vocale de ses enseignants, cette approche analytique interroge le chant dans ses dimensions transmissives et communicatives, permettant en somme de revenir sur ce que chanter veut dire.

Notice biographique

Maître de conférences en musicologie à l’université Lyon Lumière Lyon 2, faculté de Lettres, Sciences du langage et Arts. Membre du laboratoire Passages Arts & Littératures (XX-XXI), ses recherches portent sur la voix dans le contexte de l’enseignement de la musique du point de vue historique, esthétique et pédagogique. Didacticienne de la musique, elle s’intéresse aussi à la transversalité artistique et son rôle dans la formation des enseignants.

Francesca Guerrasio (Sorbonne Université)

Du cri au chant : analyse du traitement de la voix dans les œuvres de Salvatore Sciarrino, Irma Ravinale et Teresa Rampazzi

La racine phylogénétique du son chanté est, pour le dire avec le musicologue viennois Adler, le cri « transformé » (Racher, 2014). Ce dernier, d’abord expression de douleur ou d’angoisse devient, ensuite, expression de triomphe et de plaisir. Le chant représente alors, l’expression d’équilibre qui, tout comme le cri, s’adresse à quelqu’un avec une exigence apparemment différente.

L’évolution du cri en chant se configure comme un pas décisif pour l’être humain non seulement d’un point de vue acoustique mais aussi pour son passage de l’animalité à l’humanité. Seul l’homme a, en effet, la capacité de produire des mélodies selon un ordre imposé : celui du rythme, de la symétrie et de la tonalité capable de dompter le cri et de le convertir « d’une multiplicité confuse en unité » (Rascher, 2014). Ainsi le principe mathématique qui régit ses éléments, se mêlant au principe affectif de l’ordre du spirituel, donne simultanément origine à un vécu affectif nouveau qui peut dorénavant être organisé en forme. La plus petite forme (Gestalt) d’une « mélodie », le motif, protocellule de l’organisme musical, répété et varié à l’infini, reproduit les deux forces universelles d’Éros et de Thanatos. Une musique d’une sensualité fondatrice nait, alors, de leur fusion, permettant à la peau émue d’ouvrir la construction du corps et de la psyché (Boudinet, 2015).

En musique, la transcription du cri émotionnel se traduit par une « interjection brève, sur le souffle », un cri sur une ou deux notes au plus, avec une hauteur précise (un sol par exemple), une durée variable, suivie ou non d’un silence (qui à l’occurrence pourrait l’amplifier et le fait émerger encore plus). Un cri que l’on ne saurait pas vraiment retranscrire selon la notation traditionnelle sinon avec l’indication urlo francese à savoir « le cri le plus aigu que peut former la voix humaine » (Ginguené, 1791). À l’inverse, le cri fonctionnel ou musicalisé est écrit sur la portée comme caractérisé par plusieurs notes qui participent à la construction globale d’un passage musical et développerait soit une interjection émotionnelle soit une onomatopée. Tout comme l’étude de Labartette répertorie environs quatre-vingts cris musicaux extraits d’œuvres du xvie siècle jusqu’au xixe, nous allons répertorier et ensuite analyser les cris et plus en général les gestes vocaux et leur traitement dans les œuvres de trois compositeurs italiens du xxe : Salvatore Sciarrino, Irma Ravinale et Teresa Rampazzi. Le but : montrer que l’exécution d’une ligne mélodique ou l’interprétation d’un texte est dramaturgie vocale servant les relations entre individus et se constituant comme une catégorie particulière d’objets sonores.

Elena Mîndru-Turunen (Sibelius Academy, University of the Arts Helsinki)

Melodic variation in vocal jazz : analysis of the « second chorus » in jazz standard singing

My research outlines the characteristics of the varied melody in jazz standard performances from a vocal perspective. The aim is to create a knowledge base of qualitative and aesthetic qualities for both academic and artistic purposes and develop my own expressive vision in the process. This work is an artistic-oriented doctoral research within the Applied Study Programme, part of the Sibelius Academy’s MuTri Doctoral School.

The varied melody or second chorus refers to the second time when the melody that has only one set of lyrics is sung again, with a common practice of adding variations or embellishments to the original melody of the song. This creates a sense of continuity and connection to the piece’s main theme. Jazz singers often use this method to add their personal touch and improvisational mastery to a standard tune, while keeping the melody recognizable all the way. This « varied melody » can include changes in pitches, rhythm, phrasing and dynamics, ornamentation and even improvised phrases. Performers might play around with the timing of notes, add grace notes, slides, trills, or experiment with different articulations of the syllables of the lyric to make the melody more expressive, more interesting and to reinterpret the lyric from their own point of view. The varied melody of the second chorus allows jazz singers to personalize widely recognized jazz standards while maintaining the essence of the original composition – the composer’s point of view.

This research focuses on analyzing historical audio material from well-established and versatile vocalists of the jazz genre. The analysis will center on the vocalists’ interpretation of the melody of the jazz standards during the second varied run-through, via the research questions outlined below. The selected recordings where the second head phenomenon is present will be transcribed and analyzed in comparison with the original lead sheet. In jazz music, a « transcription » refers to the process of notating or writing down a musical performance, in this particular case the varied melody, in musical notation. Jazz transcriptions are used for several purposes, including analysis, education, and preservation of important jazz performances.

The main research question is « What musical gestures do jazz singers use in the melody recapitulation, i.e. the second chorus of jazz standard songs ? »

Notice biographique

Internationally acclaimed jazz singer Elena Mîndru has enlivened the European music scene for over a decade with her charismatic performance. She was awarded the Second Place and the Audience Prize at the Montreux Shure Voice Competition in Switzerland in 2012, by the legendary producer Quincy Jones. Originally from Romania, the singer resides now-a-days in Finland, performing all over the world, both with her own group and as a soloist of symphony orchestras and big bands. Elena has released six albums as a bandleader and has been performing for the last 20 years in countries like the USA, France, Holland, Denmark, Sweden, Estonia, Belarus, Hungary, Slovakia, Switzerland, Lithuania, Moldova, Romania and Finland.

Elena Mîndru is currently a doctoral student within the Sibelius Academy’s MuTri Doctoral School (Jazz Department, artistic-oriented doctoral research) in Helsinki, Finland, under the guidance of prof. Jukkis Uotila. She has been presenting research papers on the topic of vocal jazz at conferences like International jazz Voice Conference (Helsinki), Continental Drift : 50 Years of Jazz in Europe (Edinburgh), Siba Research Days/MuTri Päivät (Helsinki). Elena Mîndru is the co-founder and co-organizer of the International Jazz Voice Conference (IJVC) together with jazz singer and vocal teacher Jenny Robson, at the Sibelius Academy. The biennial conference had its first edition in 2015 and focuses on artistry, education, and research in the field of vocal jazz.

Elena Mîndru is also the Executive Director of the Oulu Music Festival in Finland. Her multifaceted career makes her a cultural ambassador, bridging cultures and inspiring audiences worldwide.

Drew Nobile, University of Oregon

Interpreting Vocal Timbre

Popular songs are not just composed; they are sung. The singer’s every breath, grunt, squeal, and voice crack are as much a part of a song as the melodies, lyrics, and chords we hear. In this talk, I present a straightforward, accessible methodology for interpreting such vocal nuances in popular songs. Drawing on music-theoretical work by Victoria Malawey, Kate Heidemann, Megan Lavengood, and Zachary Wallmark as well as research in vocal science and physiology, I present a set of timbral parameters that carry significance in terms of musical expression, physiological arousal, and embodied understanding. With musical examples from Whitney Houston to Nirvana to Nicki Minaj, I demonstrate how singers strategically manipulate these parameters to express various aspects and emotional states of their song personas. In so doing, I hope to reframe the conversation surrounding vocal timbre from matters of identity—the singer sounds like this because they are like that—to matters of expression—the singer is singing like this because they are feeling like that. This talk is drawn from my book project Voicing Form in Rock and Pop, 1991–2020, which argues that vocal timbre plays a primary structural role in creating popular song forms.

Notice biographique

Drew Nobile is associate professor and area chair of music theory at the University of Oregon’s School of Music and Dance, where his research focuses on the theory and analysis of popular music. Nobile’s first book, Form as Harmony in Rock Music (Oxford, 2020), received the 2021 Emerging Scholar Award from the Society for Music Theory, and his other work can be found in Music Theory SpectrumMusic Theory Online, the Journal of Music TheoryPopular Music, and other venues. His recent research focuses on voice in popular music of the last 30 years, centering on a second book project titled Voicing Form in Rock and Pop, 1991–2020.

Charlène Bénard (Université Sorbonne Nouvelle)

Des voix féminines « puissantes » ? Les voix féminines lyriques dans le metal symphonique : la « puissance » vocale en question, entre étiquette médiatique et style vocal

Né en Europe en 1996, le metal symphonique est un sous-genre de metal se caractérisant par une hybridation formelle (Fabbri 1981) entre musiques metal et orchestrales. Or, il est défini dès les années 2000 par ses 80% de chanteuses, proportion exceptionnelle dans le metal, ne comptant que 3% de musiciennes en moyenne (Berkers et Schaap 2018). Renommé « metal à chanteuse » par la presse spécialisée, il se retrouve cristallisé sous une convention (Becker 2010) genrée (Coulomb-Gully 2014) éloignée de son exigence orchestrale : un chant féminin dit « lyrique ».

Distribué mondialement par les réseaux des majors, ce genre jouit d’une large médiatisation dans les scènes metal, jointe à une forte dépréciation en France, justifiée le plus souvent par la présence des chanteuses, accusées de priver le genre de sa puissance (Julliot 2018), valeur pourtant constitutive des musiques metal (Hein 2004 ; Kahn-Harris 2007).

Ecarté des circuits traditionnels de l’industrie musicale française (Guibert 2006), le metal se développe en France par ses propres réseaux, dont la presse spécialisée constitue l’institution la plus stable. Elle agit alors comme actrice clé du développement du genre, dont les règles sont établies par la publication régulière de chroniques de disques, dont cette communication propose une analyse, extraite d’un corpus de 3 magazines (135 numéros) parus entre 2003 et 2008, période d’âge d’or du metal symphonique.

Alors que le symphonique est régulièrement mal noté par la critique, son groupe pionnier Nightwish s’en attire les éloges via sa chanteuse Tarja Turunen, félicitée pour la puissance de ses vocaux lyriques. Hissés au rang de maîtres du genre, Nightwish et sa voix lyrique s’imposent comme un modèle à suivre, auxquels sont comparés les autres groupes, en leur défaveur. Or, bien qu’identiquement nommés « lyriques » par la presse, les styles vocaux des chanteuses de symphonique s’avèrent plutôt éloignés de celui de Turunen. Alors que la puissance exigée du metal s’illustre par le volume sonore (Walser 1993) auquel le chant d’opéra de Turunen semble correspondre, nombre d’autres chanteuses usant de techniques en M2 non lyriques, sont cependant désignées sous le même terme.

Le but de cet exposé est ainsi de comparer un matériau vocal (Rudent 2013) et ses représentations médiatiques afin de mesurer des continuités et des écarts entre la construction sociale de la puissance vocale et les traits matériels retenus pour cette construction.

Notice biographique

Charlène Bénard est l’auteure d’une thèse en Sciences de l’Information et de la Communication intitulée « Le “metal à chanteuse”, un genre musical ? Une enquête sur la construction médiaculturelle d’un genre musical par le gender. Le cas du metal symphonique en France », soutenue en 2023. Sociologue des médias et des musiques populaires, ses recherches portent sur les représentations sociales de l’instrument « chant » dans la construction d’un genre musical via ses médias et ses scènes, en particulier par le prisme du gender, auquel s’ajoutent des éléments musicologiques d’analyse vocale.

Sangheon Lee (Université Gustave Eiffel)

L’autodestruction de slogans : la dimension performative de la voix dans la première génération du punk hardcore américain

Dès ses débuts, le punk rock a eu recours à une certaine « sloganisation » comme moyen d’écriture des paroles et comme structure de composition de ses chansons, sloganisation dans laquelle la cible de la chanson – souvent son titre – est condensée en un petit nombre de mots, généralement répétés à un intervalle très court. Comme Greil Marcus le fait remarquer à propos de la prestation vocale du punk rock, les mots « doivent être prononcés rapidement », avant que l’énergie ou l’occasion de les exprimer ne disparaisse, parce qu’il n’y a pas d’avenir disponible (Marcus 1989). Il y a en effet que la répétition extrême de quelques mots et éléments musicaux, comme pour mépriser ou se moquer de tout dispositif artistique ou ambition idéaliste et sophistiquée, s’accompagne parfois, pour mise en valeur et brisure de l’attente, d’une certaine irrégularité et instabilité temporelle – subtile accélération ou, plus rarement, décélération – que celle-ci soit mise en œuvre délibérément, spontanément ou accidentellement, sout l’effet de l’émotion, ou bien qu’elle soit calculée. Cela reflète en partie le contenu des paroles.

C’est donc une combinaison paradoxale d’urgence et de nihilisme de ce type qui s’est cristallisée en un style distinctif d’écriture de chansons avec l’avènement du punk hardcore, phénomène encore accentué dans ses sous-genres les plus extrêmes (Lee 2022). Le punk hardcore n’était pas seulement une version « plus dure, plus rapide et plus forte » du punk rock, comme on l’a défini souvent de manière quelque peu péjorative, car il a également évolué, et plus important encore, évolué vers un nouveau mode d’expression verbale : la combinaison d’une extrême brièveté, de la vitesse et de la distorsion, et du débit vocal, entraîne un recul considérable sur le plan de l’intention sémantique des mots, ce qui semble contrecarrer, paradoxalement, le but même de la sloganisation en mots clés (qui devraient être normalement facilement intelligibles). Cette réduction sémantique permet cependant d’obtenir la dimension « performative » de l’énoncé musical, pour emprunter ce terme et cette expression à la linguistique et à la philosophie du langage (par exemple dans les énoncés « j’insiste » ou « nous refusons » ; Austin 1962). Le type de prestation vocale constaté dans le punk rock peut être dit performative dans la mesure où, en tant qu’action, il fonctionne, il opère, agit, et cela quel que soit le contenu sémantique des paroles. Et d’autre part, cette action, cette façon d’agir, incarne en elle-même un certain sentiment d’urgence ou de nihilisme sous-jacent au contenu spécifique des paroles.

Notice biographique

Sangheon Lee, docteur en musicologie, est actuellement ATER à l’Université Gustave Eiffel, et il est aussi musicien de rock et guitariste expérimenté. Il a soutenu une thèse de doctorat en 2022, intitulée « Urgence et nihilisme : l’émergence du punk hardcore américain », qui consiste principalement en l’étude de l’incarnation musicale de ces deux notions. Avant son doctorat, il a étudié la langue et la littérature françaises (licence, Korea University, 2004), et a obtenu deux masters en musicologie, l’un en Corée, portant sur Richard Wagner (Korea National University of Arts, 2012), et l’autre en France, sur le punk hardcore américain (Université Paris 8, 2015). Il est actuellement membre du comité exécutif de l’IASPM international (membership secretary) et responsable de la branche sud-coréenne du Punk Scholars Network.

Dima Iulia (Université Sorbonne Nouvelle)

« On comprend rien à ce qu’ils chantent » : considérations esthétiques sur l’analyse musicale du chant dans le black metal

Il est peu de descriptions du chant hurlé entendu dans le black metal qui ne fassent mention de l’incompréhensibilité des paroles ainsi proférées. Les musicologues l’expliquent par la phonation particulière induite par la technique du chant hurlé : dans le black metal, les formants vocaliques sont typiquement étirés vers l’aigu à tel point que les voyelles ne sont plus reconnaissables dans leur forme « standard » (Smialek 2012, également cité par Hainaut 2017). En revanche, les auditeurs non spécialistes semblent percevoir quelque chose de ridicule dans cette caractéristique, comme si la clarté de la prononciation conditionnait d’une part l’identification de la pratique du chant hurlé comme chant, et d’autre part l’efficience de la fabrique du sens musical. Dans les faits, une écoute plus attentive révèle un spectre de la compréhensibilité selon le type de chant hurlé adopté, allant du plus articulé (par exemple Rotting Christ ou Dimmu Borgir parmi les artistes anglophones, ou Celeste pami les francophones) au moins articulé (par exemple Deafheaven, Wolves in The Throne Room, ou Alcest). De telles variations sont notamment imputables aux capacités techniques ainsi qu’aux idiosyncrasies vocales de chaque chanteur ou chanteuse, ainsi qu’aux choix de production tels que la place de la voix dans le mix ou la netteté de l’enregistrement. Cependant, il ne faut pas omettre la dimension de signification qui entre en ligne de compte dans la mise en œuvre d’un type de chant hurlé plutôt que d’un autre. En effet, chaque type de chant hurlé – et partant, le degré d’articulation qui lui est propre – est un choix artistique, qui participe à la construction de l’esthétique du groupe, c’est-à-dire à la congruence de son identité stylistique avec un ensemble de significations et d’expériences d’écoute.

Dans cette communication, nous proposons d’explorer dans un premier temps différents types d’articulation du chant hurlé dans le black metal. Cela nous permettra ensuite de souligner les correspondances qui s’établissent entre ces choix musicaux et des éléments de signification propres à l’imaginaire du black metal. Il s’agira également de commenter la place de la compréhensibilité linguistique dans un genre qui entretient un rapport particulier au social et au langage, qui attache de la valeur esthétique à l’isolation et à la misanthropie plutôt qu’au lien social, au secret et au mystère plutôt qu’à la communication ouverte. Dans cette perspective, la démarche d’analyse musicale n’est pas neutre, puisqu’elle fait passer l’audible dans le domaine du verbal et du visuel au travers des représentations qu’elle produit.

Notice biographique

Iulia Dima est doctorante à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris III et à l’IRMéCCEN (Institut de Recherche Médias, Cultures, Communication et Numérique), sous la direction de Catherine Rudent. Diplômée en études anglophones (ENS Paris-Saclay et Université Paris Diderot – Paris VII) et en musiques actuelles amplifiées (CRI de Villejuif), elle prépare une thèse en esthétique et sciences de l’art sur la vocalité dans le black metal, dans une perspective transdisciplinaire. Ses travaux croisent musicologie et approches textuelles pour interroger la construction sociale du sens au sein d’un genre musical, l’usage expressif de la voix dans les musiques populaires phonographiques, et l’articulation du sens et de la forme dans la performance musicale.

Nathalie Henrich Bernardoni (CNRS/Université Grenoble Alpes)

La voix mixte en musiques actuelles amplifiées

Qu’est-ce que chanter en voix mixte ? Cette question passionne déjà les chanteurs, les professeurs de chant et les scientifiques dans le cas du chant classique. Peu d’entre eux se sont risqués à l’explorer scientifiquement dans le cas des musiques actuelles amplifiées (MAA), étant donné la diversité des pratiques et des esthétiques. Dans cette présentation, nous aborderons cette question à partir de la rencontre entre un chanteur italien et professeur de chant, Antonio di Corcia, et une scientifique de la voix également chanteuse de musiques actuelles amplifiées. Dans son approche pédagogique de l’enseignement du chant en voix mixte, Antonio di Corcia distingue les émissions vocales en voix mixte standard et voix mixte extrême des émissions vocales en voix non mixte. Pour mieux comprendre le comportement physiologique et acoustique des chanteurs dans ces émissions vocales, une campagne d’enregistrements a été menée sur le terrain à San Salvo en Italie auprès de six chanteuses et cinq chanteurs, en vue de l’analyse multimodale de la voix mixte en MAA (respiration, phonation, articulation et contractions musculaires associées). Les émissions vocales en voix mixte standard et voix mixte extrême ont été étudiés dans le cas de vocalises et sur des chants imposés. Le profil vocal de chaque chanteur sera illustré pour leur chant en voix mixte par rapport à leur chant en voix non mixte. L’évaluation du mécanisme laryngé utilisé dans ces chants sera discutée. Les caractéristiques laryngées de la voix mixte seront analysées sur des exemples de chant. Par l’observation endoscopique du comportement laryngé et l’analyse électroglottographique, nous illustrerons les caractéristiques glottiques et supra-glottiques de ces émissions vocales, en relation avec l’activité vestibulaire et les ajustements spécifiques du conduit vocal. Nous montrerons sur des exemples choisis les comportements respiratoires associés à ces émissions vocales. Nous discuterons enfin de l’usage des cavités nasales, mises en évidence à travers la mesure des débits d’air oral et nasal.

Notice biographique

Normalienne agrégée de Sciences Physiques, Directrice de Recherche au CNRS mais également chanteuse et chef de choeur, Nathalie Henrich Bernardoni est une scientifique passionnée par la voix humaine sous toutes ses formes d’expressions. Elle mène des recherches pluridisciplinaires en vocologie et en sciences phonétiques, avec un souci constant de faire communiquer le monde scientifique avec le monde médical et le monde artistique. Ses travaux de recherche portent en particulier sur la caractérisation physique et physiologique du chant à travers les styles et les cultures, la prise en soin des troubles de la voix chantée et la suppléance vocale. Régulièrement sollicitée pour donner des conférences et très impliquée aux niveaux national et international, elle aime à faire découvrir cet instrument fascinant. Elle participe activement à la diffusion de la Journée Mondiale de la Voix (16 avril).

Eric Smialek (University of Huddersfield)

« To Beast or Not to Beast : Koala-tative Evidence for a Bestial Hermeneutics of Extreme Metal Vocals »

Extreme metal vocal research has expanded to multiple interests : physiological mechanisms (Eckers et al 2009, Guzman et al 2018, Tsai et al 2010), acoustics (Smialek et al 2012, Kato and Ito 2013, Smialek 2015, Hainaut 2020), classifications (Mesiä and Ribaldini 2015, Ribaldini 2019), machine encoding (Nieto 2013, Kalbag & Lerch 2022, Czedik-Eysenberg et al 2024), vocal health (Guzman et al 2014, Cardinal 2020, 55-56, Aaen et al 2022), perceptions among listeners (Kato and Ito 2013, Olsen et al 2018), and the lived experiences of female vocalists (Heesch 2018, Burns 2023). Part of a two-year project on artistry in extreme metal vocals, my presentation synthesizes this research and provides new evidence for why multiple subgenres imitate different bestial sound-sources.

I first apply the source-filter model of acoustic phonetics to extreme metal. Ventricular folds create inharmonic sounds filtered through vocal-tract-area alterations (by tongue placement, jaw closure, and lip rounding). Thus, in death metal, inhuman sounds, passed through an enlarged filter, physiologically imitate a large beast. This aligns with Smialek’s corpus study (2015), which showed consistently low first-formant (F1) values in death metal and high F1 frequencies in black metal. Because screams activate the amygdala (Arnal et al 2015), the high sounds of black metal screams invoke fear-based evil such as the shrieks of the Nazgûl in film sound effects. Deathcore and grindcore combine these effects with low-F1/high-F2 to generate what are widely called « pig squeals. »

Next, I connect acoustical findings on death metal to zoological research on koala bellows. Koalas evolved acoustical impressions of maximal size via a « permanently descended larynx », « a deeply anchored sternothyroid muscle that [allows] male koalas to retract their larynx into the thorax », and vocal tracts nearly the length of their body (Charlton et al 2011, 3414). During mating competition, koalas behave differently depending on acoustical cues about their competitors’ size (Jiang et al 2022). Considering that YouTube videos of koala bellows provoke numerous comparisons to metal vocals, their similar acoustic cues about monstrous size in death metal seem central to its aesthetics. This has implications for research on gender discrimination within metal – both with prejudices around visual impressions of power and with vocalists’ strategies to thrive in an often discriminatory genre.

Notice biographique

Eric Smialek is a Marie Skłodowska-Curie Actions (MSCA) Postdoctoral Fellow at the University of Huddersfield where he researches expression, technique, and cultural meaning in extreme metal vocals. His recent publications include a chapter in The Cambridge Companion to Metal Music and an article on Taylor Swift and LGBTQ allyship in Contemporary Music Review. Smialek’s research will appear in the collections Heavy Metal Music and Dis/Ability ; Music and Genre ; The Routledge Handbook of Metal Music Composition ; The Routledge Handbook of Progressive Rock, Metal, and the Literary Imagination ; and Musical Scenes and Social Class : Debating Punk and Metal. He serves on the editorial advisory board for the journal Metal Music Studies and as Assistant Editor for IASPM Journal.

Chris Tonelli (University of Groningen)

Techniques and Taxonomies in Free Jazz Soundsinging

Free jazz soundsinging is a vocal practice wherein vocalists, via improvisation, freely explore a variety of unconventional or extranormal approaches to voice. As soundsingers build up their practices they often gravitate towards a number of techniques that they enjoy revisiting while usually also attempting to surprise themselves by accessing new kinds of vocal and non-vocal oral sound production that feel like avenues they have not yet previously accessed or not yet thoroughly explored. Vocalists in this field, who of course often develop multi-musical practices wherein alongside their work as free jazz soundsingers they might also vocalize in other genres, from sound poetry to Western classical music to various forms of popular music, can vary in terms of the systematicity of approach to the voice and their desire to create taxonomies of their techniques.

In this paper, I will discuss some of the various ways soundsingers have used their voice in the history of the practice and some of the personal approaches that soundsingers have taken to naming, notating, and developing the array of personal vocal techniques that make up their practices. I will also examine moments when their personal approaches to vocal exploration and self-development of techniques has led to encounters with scholars seeking to systematize methods for vocal analysis. Finally, I will also touch on ways audiences have reacted to the extranormal techniques of soundsinging and their reactions have involved their own attempts to impose categorical framings of the techniques of soundsinging.

Notice biographique

Dr. Chris Tonelli is Assistant Professor of Popular Music at the University of Groningen in The Netherlands. He is a practicing soundsinger and leader of improvising « Vocal Exploration » choirs. His book Voices Found : Free Jazz and Singing (Routledge 2020) examines histories of free jazz soundsinging and offers a theorization of the social effects of extranormal vocal practices.

Mark Brooks (University of Vienna)

Listening to the non-human voices in Pink Floyd’s Animals

Most commentaries on Pink Floyd’s Animals (1977) signal its debt to George Orwell’s Animal Farm (1945). Where George Orwell uses farm animals as an allegory for Russia following the 1917 revolution, Roger Waters borrows Orwell’s basic framework – most especially of entitled « greedy pigs », using their « attack dogs » to keep the « sheep » in line – to satirize the British « old-school-tie » network of the 1970s. As with familiar interpretations of Animal Farm, most readings of the album tend to render the animals’ voices silent : inaudible ciphers for particular – usually objectionable – human traits. Susan McHugh (2009) argues that in the novella the animal’s voices constantly threaten to undermine Orwell’s scheme and that a reading that attends to the animal’s voices has much to tell us about human-animal relations. Building upon McHugh’s ideas, I propose to find a new way of listening to Pink Floyd’s Animals that listens to the sonically realized voices of the dogs, sheep, and pigs. This poses several fascinating methodological problems. In the album, we hear the human voice pushed (often technologically) to sound like an animal, recorded animals sounding like humans, and instruments used to imitate animals. If the aim is to listen to the animals’ voices – where do these « voices » reside ? Is it in the materiality of the sound ? Or in some abstract semiotic quality of the animal voice that confers subjectivity or agency and thus the right to be heard ? Attempting to resolve such questions should help to support my tentative hypothesis ; namely, that Animals might profitably be heard as presenting an ecologically productive image of « life » : not the totalizing, unified, harmonious, mystical force seen in the Gaia hypothesis that motivates many environmentalists, but rather, to quote Arun Saldanha (Space after Deleuze, 2017), « exactly what forestalls identity and wholeness, what keeps bodies and populations dis-organized, generative, and discordant ».

Notice biographique

Marc Brooks is Assistant Professor of 20th- and 21st-Century Music Cultures at the University of Vienna. He completed his PhD at King’s College London on the conflict between religious, romantic, and scientific presentations of nature in early twentieth‐century German opera. He is currently researching two ecomusicological projects, one on sound and music in contemporary US TV, the other on human-animal relations in British progressive rock. He has articles on television music in Music & Letters, and forthcoming in the Journal of the Royal Musical Association and is currently writing the chapter on animal studies for the Handbook of Popular Music Methodologies.

Serge Lacasse (Université Laval)

Le corps dans l’IA qui chante : enjeux esthétiques de l’IA en musique

Après une mise en contexte de l’impact de l’IA dans l’univers musical, en particulier en ce qui concerne la génération de pistes vocales, la présentation proposera une réflexion sur les enjeux esthétiques liés au recours de l’IA pour la création de pistes vocales dans des enregistrements de musique populaire. En effet, plusieurs outils permettent désormais de réaliser des pistes vocales crédibles, soit en convertissant le timbre d’une voix humaine en le timbre d’une autre voix (par exemple, Audimee), soit en créant une piste MIDI à laquelle on assignera ensuite une modélisation vocale (par exemple, Synthesizer V). Comme le démontrera l’audition d’exemples sonores, il paraît désormais possible de créer des voix à partir de l’IA que l’on ne peut distinguer d’une voix humaine réelle. Au-delà des enjeux légaux souvent étudiés, quelles sont les implications esthétiques d’une telle approche ? Comment devrait-on, soit en tant que musicien, soit en tant que chercheur, négocier ce nouveau virage technologique, qui semble, cette fois, toucher à la nature même de l’humanité ? En se fondant en partie sur les explorations esthétiques de Gérard Genette (1997), mais surtout d’Emanuele Arielli (2021), la présentation se conclura sur une proposition plutôt optimisme de l’intégration de l’IA, tant dans le processus de création musical que dans celui de son analyse.

Notice biographique

Serge Lacasse est professeur titulaire en musicologie à la Faculté de musique de l’Université Laval et directeur du Laboratoire audionumérique de recherche et création (LARC). Privilégiant une approche interdisciplinaire, ses recherches portent sur l’étude et la pratique de la musique populaire enregistrée, sur l’intelligence artificielle en musique, de même que sur la recherche-création. Il a notamment co-rédigé avec Sophie Stévance Les enjeux de la recherche-création en musique (PUL, 2013) et Research-Creation in Music and the Arts (Routledge, 2018), et codirigé les collectifs Pour une éthique partagée de la recherche-création en milieu universitaire (avec Sophie Stévance et Martin Desjardins, PUL, 2019), The Pop Palimpsest (avec Lori Burns, University of Michigan Press, 2018) et The Art of Record Production (avec Simon Zagorski-Thomas, Katia Isakoff et Sophie Stévance, Routledge, 2020). Il poursuit en outre des activités de recherche-création, dont Hits for HIIT.

Olivier Migliore

Vers un usage de l’IA pour l’analyse de la voix et de l’interprétation dans les musiques vocales : méthodologies et enjeux.

Les musiques vocales chantées ou proférées (rappées, slamées, parlées-chantées, etc.) en langues syllabiques dévoilent des rapports métriques et rythmiques entre le matériau musical (temps de la mesure, spécificités de l’accompagnement) et le matériau linguistique (la syllabe) spécifiques à chaque œuvre et chaque interprétation. Ces rapports constituent une signature stylistique et esthétique autant qu’un marqueur historique, géographique et sociolinguistique. Les nuances de conformité ou d’émancipation qui s’y jouent révèlent les choix interprétatifs de son locuteur. L’ensemble des paramètres acoustiques de sa voix (hauteur, intensité, durée et timbre) contribue également à la construction de personnalités vocales que l’on peut déduire, par le processus subjectif de l’interprétation, du moment que ces paramètres sont exposés à l’analyste. Pour ce faire, les progrès récents des algorithmes de deep learning permettent de réaliser des analyses acoustiques d’une multitude de paramètres vocaux, attribuant ainsi au musicologue le choix de déterminer les éléments les plus à même de faire émerger le sens. Ils permettent également d’envisager le traitement de corpus considérables, promettant des résultats que nos ressources humaines ne seraient pas en capacité d’obtenir. À partir de notre expérience empirique des corpus de musiques vocales populaires, nous présenterons les paramètres vocaux et musico-littéraires retenus pour analyser la voix et son articulation avec la musique au sein des styles aussi variés que le rap, le punk, le ragga ou encore la chanson. Nous montrerons ce qu’il est possible d’extraire et de représenter tout en présentant les outils qui le permettent, mais également, dans l’objectif d’une analyse de l’interprétation vocale systématique, la nécessité actuelle de considérer l’œuvre de musique vocale sous un autre jour, celui de son enregistrement.

Notice biographique

Olivier Migliore est docteur en musicologie (Montpellier 3/Ircam), chargé de cours à l’université Montpellier 3 et enseignant d’éducation musicale en collège. Ses recherches portent sur l’analyse de l’interprétation vocale des musiques populaires, sur l’informatique musicale et sur l’épistémologie de l’analyse musicale. Il est l’auteur d’une thèse sur l’analyse de la prosodie musicale au sein de styles usant des phrasés plus proches de la parole que du chant (rap, punk, ragga) dans laquelle il développe des méthodologies nouvelles d’analyse de la voix en combinant des outils informatiques développés par l’Ircam. Il est également l’auteur d’un ouvrage sur la voix dans le punk francophone et de nombreux articles sur les spécificités de l’interprétation rappée dans le paysage musico-littéraire français. Son dernier article a été primé par le prix Jean-Jacques Nattiez. Il y présente sa pratique de l’analyse musicale de l’interprétation vocale des musiques populaires.

Ebru Yazıcı (Julius-Maximilians-Universität of Würzburg)

A Timbre-Oriented Study on Turkish Makam Music

As a sensory phenomenon, timbre has often appeared in controversial forms in music studies. The topic « timbre » is equally attractive in terms of musical traditions and musical genres, and it is possible to come across illuminating studies on such topics within the literature. Although it is remarkable to recognize the intellectual richness that recently emerged from the alternative discussions that have taken place in Turkish Music studies, there are few studies on timbre and Turkish Makam Music, and they are primarily instrument-oriented.

How does the recent technological developments impact the music studies on deeply-rooted musical traditions ? Considering a timbre-oriented approach to vocal performance practices in Turkish Makam Music, would it be possible to examine the functionality of timbre by focusing on specific perde-makam relations ?

This paper is based on the pilot study that has been conducted with two professional Turkish Makam Music vocal performers. Both musicians’ performances on certain makams have been recorded, and the recordings were analyzed through software using computational analysis methods. In-depth interviews with the vocal performers have also contributed to the study as part of the collected data of the study. While the study focuses on the literature on timbre and voice studies from a broad perspective, approaches based on the formation of new vocabulary (Slawson 1985), hierarchy (Lerdahl 1987), multidimensionality (Sethares 2005), and sensuality (Eidsheim 2009, 2015, 2019) to timbre have been primarily utilized.

In this context, possible findings on the relationship between vocal performance practices of Turkish Makam Music and the phenomenon of timbre have been discussed without neglecting the importance of this music’s position in/as the tradition.

Notice biographique

Ebru Yazıcı was born and raised in Istanbul, and now lives in Hamburg where she conducts her PhD research, following years of performances as a musical artist, voice artist and composer in the fields of jazz, blues, and improvisation. Her dissertation project titled « Sensing Sound in the Contemporary Music Scene in Europe : The Art of Improvisation » is on free improvisation practices through two case studies in two cities of Germany. She has published articles in a journal and two conference proceedings in which she participated in the interested research areas of voice studies and sound studies, focusing on technological aspects and the application of new analysis methods. She has been invited to scientific meetings as contributor, guest lecturer and organizer. Currently, she continues her work on translation (into Turkish) and analysis of Johann Joseph Fux’s Gradus ad Parnassum. In addition to her academic studies, she also continues her musical performances which recently mostly focused on free improvisation practices.

Session ARS 1 : A Deep Learning-Based Pipeline for the Musical Analysis of the Voice (Antoine Petit, Yann Teytaut, Axel Roebel, Céline Chabot-Canet)

Résumé

While the musical analysis of the singing (or rapping, chanting, etc.) voice is becoming more widespread by the day, it very much remains a daunting task. Data is required if one wishes to go beyond a purely impressionistic account of the voice; text must be aligned with the recording, and various measurements be made. The absence of automatic analysis tools for voices recorded in a “real” musical context (i.e., commercial recordings featuring instrumental accompaniment, as opposed to solo voice corpora produced specifically for research) has led to tedious, predominantly manual annotation work—a time-consuming process which limits analytical prospects to individual case studies. Recent developments in deep learning-based signal processing have brought about promising alternatives, and theorists have already started to incorporate such technologies as source separation (informally known as “demixing”) into their methodologies. Large-scale corpus studies can thus be more readily envisioned, and innovative approaches are being devised which make use of accurate parameter extraction from isolated vocals. Building on a long-term collaboration between music theorists on the one hand, and signal processing researchers on the other, one of the goals of the ARS project has been to develop an enclosed pipeline that takes advantage of these novel tools without having to rely on multiple unrelated, and often repurposed, pieces of software, which can make analytical methodologies less accessible, and less reproducible. The proposed system includes state-of-the-art source separation and fundamental frequency estimation models trained specifically for the voice, and a voice-to-symbol synchronization algorithm that performs text (or note) alignment independent of any prior domain knowledge—that is, irrespective of the target language, musical genre and style, etc. The different modules can be accessed through an online interface, to ensure ease of use.

Notices biographiques

Antoine Petit est doctorant en musicologie à l’Université Lumière Lyon 2 au sein du laboratoire Passages Arts & Littératures (XX-XXI) et membre du projet ANR ARS (« Analyse et tRansformation du Style de chant »). Ses travaux de thèse portent sur le langage musical de la pop américaine durant la première moitié des années 2010, tout particulièrement l’album 1989 de Taylor Swift. Il s’intéresse également aux diverses stratégies rhétoriques mises en œuvre dans les chansons ainsi que dans les discours des artistes et de leurs commentatrices et commentateurs afin de susciter ou inhiber certains usages de la musique et faire et défaire des communautés d’usagers. Il poursuit en parallèle des recherches sur la techno et sur l’épistémologie de l’analyse des musiques populaires.

Yann Teytaut est chargé de recherche (post-doc) en écoacoutique au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris et chargé d’enseignement au Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI/SU). Il a effectué sa thèse de doctorat à l’IRCAM, portée sur l’alignement et la transcription automatiques pour l’analyse de voix parlée et chantée via apprentissage profond. Ses recherches traduisent un intérêt pour divers domaines audios tels que le MIR (Music Information Retrieval), l’écologie sonore, la musicologie computationnelle ou, plus généralement, l’informatique musicale et la transmission de savoir. Yann est également guitariste classique dans l’Orchestre à Plectres Pizzicatis et ténor dans un chœur de comédie musicale.

Axel Roebel is the Research Director at IRCAM and leads the Sound Analysis-Synthesis team at the STMS Laboratory. His research and development activities focus on the manipulation of sound signals, with a particular emphasis on voice and music, for artistic applications. He has developed state-of-the-art algorithms for speech and music analysis and transformation, and has authored numerous libraries for signal analysis, synthesis, and transformation. One notable example is SuperVP, a software tool for music and speech signal analysis and transformation that has been integrated into various professional audio platforms. Currently, his research focuses on advancing deep learning techniques for music and voice processing tasks. This work includes neural vocoding, exploring signal representation and manipulation within latent spaces, investigating disentangling strategies in these latent spaces, and developing hybrid models that integrate deep learning with traditional digital signal processing methods.

Céline Chabot-Canet est maître de conférences en musicologie à l’université Lyon 2 (Passages XX- XXI). Ses recherches portent sur les musiques populaires et actuelles, l’informatique musicale et l’analyse de l’interprétation vocale dans les musiques enregistrées. Elle est l’auteur d’une thèse intitulée Interprétation, phrasé et rhétorique vocale dans la chanson française depuis 1950 : expliciter l’indicible de la voix (2013), dans laquelle elle élabore une méthode d’analyse de l’interprétation vocale fondée sur la transdisciplinarité et l’association entre sciences humaines et analyse spectrale. Elle est également l’auteur de nombreux articles et de directions d’ouvrages sur la voix et la chanson, et du livre Léo Ferré : une voix et un phrasé emblématiques (Harmattan, 2008). Elle travaille actuellement en collaboration avec l’équipe Analyse-Synthèse de l’IRCAM sur la description et la modélisation des styles interprétatifs dans le chant (projets ANR ARS, « Analyse et transformation de style de chant »).

Session ARS 2 : Analyse performative du style vocal (Xiao Xiao, Boris Doval, Céline Chabot-Canet, Christophe d’Alessandro)

Résumé

Le « style vocal » se rapporte aux caractéristiques particulières d’une performance, au-delà des paramètres de la composition musicale et du matériau textuel de la chanson. Comprendre le style consisterait à caractériser la manière de faire propre à un ou une artiste ; ce qui, à la fois, l’inscrit dans un courant spécifique et, au sein de ce courant, la distingue et la singularise entre toutes. Le style échappe à la notation et englobe la personnalité vocale et la dynamique particulière d’une performance : qualité vocale, gestes articulatoires, transitions de notes, effets de vibrato, de glissando ou de tremolo, agogique, etc. Pour l’auditeur non spécialiste, ce qui définit le style d’un chanteur est souvent perçu de manière intuitive et difficile à objectiver, bien qu’essentiel dans son ressenti à l’écoute d’une voix. Voks est un « instrument chanteur », un synthétiseur vocal performatif qui permet de « jouer » une voix avec les mains. La mélodie, le rythme, l’effort vocal d’une séquence de voix préenregistrée sont contrôlés par un thérémine ou une tablette graphique et un capteur rythmique. Dans cette communication, nous mettrons Voks à l’épreuve de la reproduction du style vocal. L’approche instrumentale permet alors d’établir un pont unique entre une perception et une compréhension intime d’un style vocal singulier et son explicitation à travers le geste, dans un paradigme d’analyse par la synthèse performative. Dans cette communication, l’analyse performative, en dialogue avec l’analyse a posteriori et l’analyse paramétrique du style, étudiera le style vocal d’« Il n’y a pas d’amour heureux », chanson de Georges Brassens, dans trois interprétations incarnant trois styles distincts : G. Brassens, Barbara et Françoise Hardy. Cette première étude de l’analyse performative du style vocal permettra d’évaluer par l’écoute la pertinence des phénomènes observés en insistant particulièrement sur la matérialité du style (par exemple les habitudes articulatoires et la qualité vocale d’un chanteur) et sur la nécessaire approche globale et interactive des gestes expressifs, quand l’approche analytique aurait plutôt tendance à considérer des paramètres séparés.  

Notices biographiques

Xiao Xiao est chercheuse principale du groupe Human Learning à l’Institute for Future Technologies au Pôle Léonard de Vinci. Elle est également affiliée à la recherche dans le Tangible Media Group du MIT Media Lab. Elle étudie les interfaces utilisateur novatrices pour l’apprentissage de divers sujets en lien avec la musique. Elle est théréministe autodidacte depuis 2017.

Boris Doval est enseignant-chercheur à Sorbonne Université, affilié à l’équipe Lutherie-Acoustique-Musique (LAM) de l’Institut Jean Le Rond d’Alembert et à l’école d’ingénieurs Polytech Sorbonne. Ses recherches s’intéressent à l’analyse, la modélisation et la synthèse de la voix chantée, et notamment au contrôle gestuel de la synthèse vocale performative. Il est aussi musicien, improvisateur et compositeur, et pratique divers styles (piano jazz, ensemble vocal, musique électroacoustique).

Céline Chabot-Canet est maître de conférences en musicologie à l’université Lyon 2 (Passages XX- XXI). Ses recherches portent sur les musiques populaires et actuelles, l’informatique musicale et l’analyse de l’interprétation vocale dans les musiques enregistrées. Elle est l’auteur d’une thèse intitulée Interprétation, phrasé et rhétorique vocale dans la chanson française depuis 1950 : expliciter l’indicible de la voix (2013), dans laquelle elle élabore une méthode d’analyse de l’interprétation vocale fondée sur la transdisciplinarité et l’association entre sciences humaines et analyse spectrale. Elle est également l’auteur de nombreux articles et de directions d’ouvrages sur la voix et la chanson, et du livre Léo Ferré : une voix et un phrasé emblématiques (Harmattan, 2008). Elle travaille actuellement en collaboration avec l’équipe Analyse-Synthèse de l’IRCAM sur la description et la modélisation des styles interprétatifs dans le chant (projets ANR ARS, « Analyse et transformation de style de chant »).

Christophe d’Alessandro est directeur de recherche au CNRS et organiste titulaire de Sainte-Élisabeth à Paris. Il a publié de nombreux travaux en analyse, synthèse et perception de la parole et du chant, en acoustique, organologie et musicologie du clavicorde, de l’orgue et des lutheries électroniques.  Ses recherches musicales associent improvisation, composition et création d’instruments : orgue et clavicorde augmentés, synthèse vocale performative.

Claire Pillot-Loiseau (Université Sorbonne Nouvelle)

Analyses acoustique, articulatoire et perceptive du Cantu in Paghjella

Polyphonie corse classée au patrimoine mondial immatériel de l’Unesco depuis 2009, le Cantu in Paghjella se chante à trois voix, le plus souvent masculines : la voix principale (secunda) entre en premier, suivie par la voix la plus basse (bassu) et par la voix la plus aigu (terza). Son analyse, à la croisée des chemins entre phonétique expérimentale, musicologie et anthropologie, pose plusieurs défis méthodologiques, dont la capture des trois voix simultanées avec la possibilité d’analyser ultérieurement chaque partie et l’analyse des mouvements d’articulateurs non visibles de l’extérieur.

Dans cette communication sont présentés les résultats de travaux de phonétique expérimentale destinés à analyser les voix et paroles chantées de ces polyphonies. Sont d’abord exposés quelques techniques et résultats d’analyses acoustiques (voyelles, qualité vocale). Celles-ci montrent principalement un enrichissement du timbre en chant par rapport au même texte parlé, atout important pour ces techniques chantées en plein air. En outre, les voyelles chantées sont plus ouvertes et plus centrales que leurs équivalentes parlées. De façon plus inédite, les voyelles postérieures sont aussi moins arrondies en chant, avec une concentration de leur troisième formant dans une zone de grande sensibilité auditive (Crevier-Buchman et al 2015, Pillot-Loiseau et al 2016).

Sont ensuite présentées des analyses articulatoires du mouvement des lèvres et de la langue durant ces productions chantées : les lèvres des voyelles chantées s’ouvrent et s’arrondissent légèrement chez le secunda, tandis qu’elles se ferment et s’étirent chez le bassu. La langue s’abaisse et se postériorise (uniquement pour le bassu) pour les voyelles antérieures (Pillot-Loiseau et al 2016, 2017).

Enfin, 28 auditeurs de diverses origines régionales ont identifié auditivement les voyelles /u/, /o/ et /ɔ/ parlées et chantées produites par un chanteur du Nord-Est de la Corse à partir d’un madrigal. Les voyelles sont unanimement perçues comme plus ouvertes et antérieures, surtout en chant. Les voyelles parlées sont davantage identifiées de façon conforme aux voyelles cibles que les voyelles chantées. Les taux d’identification corrects sont supérieurs pour les auditeurs de même origine que le chanteur ayant produit les stimuli (Pillot-Loiseau et al 2024).

Finalement, « une intention déclarée d’être entendu et d’agir sur autrui » (Herrgott 2019) est en lien avec la production et la perception des voyelles postérieures plus ouvertes et moins arrondies en chant qu’en parole, celle d’un timbre chanté nasal (Herrgott 2019) : une Variabilité Adaptative (Lindblom 1990) particulière existe avec un effet perceptif optimisant la clarté donc l’audibilité, dans un contexte de polyphonie en plein air.

Notice biographique

Titulaire d’un doctorat de phonétique expérimentale consacré au chant lyrique dans ses aspects acoustiques, perceptifs, articulatoires et cognitifs, Professeure en phonétique, orthophoniste spécialisée en rééducation vocale, Claire Pillot-Loiseau effectue ses recherches sur la description phonétique des productions de voix et de parole dans des contextes artistiques, pathologiques, et au cours de l’apprentissage du français comme langue étrangère (FLE). Directrice de l’École Doctorale ED 622 « Sciences du Langage », elle enseigne la phonétique du FLE et la phonétique clinique aux étudiants de licence et master de Sciences du Langage et d’orthophonie. En 2010, elle a créé pour ses masterant.e.s en linguistique un séminaire intitulé Langues, chant et musique.

Benjamin Lassauzet (Université Clermont-Auverge)

Analyser la voix comme incarnation d’une identité nationale : l’exemple de Björk

Dans le champ des musiques populaires modernes, la chanson occupe une place prépondérante, de telle sorte que la voix y apparaît généralement comme la source sonore la plus directe et la plus importante. Or, cette dernière est notamment un objet socio-culturel qui, par son inscription directe dans un corps qu’il met en scène, est porteur d’identités multiples (genre, ethnie, âge, appartenance sociale, origine…). Ces identités se trouvent ainsi, volontairement ou non, performées de manière dynamique dans la mesure où elles ont une part construite et filtrée par la persona mise en valeur par l’artiste, mais aussi une part co-construite avec l’auditeur, lequel est tributaire de filtres culturels dans la réception.

Au sein de ce phénomène, l’identité nationale occupe une place particulière dans la mesure où celle-ci s’affirme d’abord et avant tout à travers la langue des paroles chantées. Pourtant, même dans le contexte d’une pop mondialisée privilégiant l’expression en anglais, la provenance de l’artiste est susceptible de se manifester par le biais d’une multitude de paramètres. L’objet de cette communication sera ainsi de faire émerger les conditions d’analyse de la voix comme incarnation d’une identité nationale.

Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’exemple de l’Islandaise Björk. Si l’on peut affirmer que son style vocal est l’un des éléments les plus frappants de sa musique – il fait du moins l’objet de nombreux commentaires de la part des médias spécialisés et du public –, l’origine de cette voix singulière a souvent été attribuée par l’artiste à de longues marches pendant l’enfance dans la nature islandaise. Cette dernière aurait inspirée à Björk un large éventail de timbres dont le caractère extrême serait un écho aux caprices climatiques et géologiques de son île natale.

De même, l’usage de mélismes, d’effets paralinguistiques (respiration sonore, chuchotements, murmures, cris…), associés aux recours à la médiation technologique (spatialisation du son), feront l’objet d’une analyse en lien avec l’idée d’incarnation de la nature et/ou de l’espace islandais. Nous analyserons également l’inscription de cette voix dans les traditions nationales du chant (par exemple à travers un Sprechgesang utilisé depuis le Moyen-Âge dans les rímur, ou via l’usage de procédés provenant de cultures voisines comme le chant de gorge). Les effets d’un accent islandais marqué par une rhoticité du [r] et un grand nombre de consonnes aspirées, et le recours, en marge du chant en langue anglaise, à une glossolalie idiosyncratique remplie de phonèmes issus de l’islandais, seront autant d’indices supplémentaires d’une volonté de performer son identité nationale de la part de Björk.

Notice biographique

Benjamin Lassauzet est docteur en musicologie, professeur agrégé à l’Université Clermont-Auvergne, chercheur au CHEC (Centre d’Histoire « Espaces et Cultures ») et membre du CREAA (Centre de Recherche et d’Expérimentation sur l’Acte Artistique), où il coordonne un groupe de travail consacré aux musiques du Nord. Après avoir consacré ses travaux à la musique de Debussy (L’Humour de Claude Debussy, Hermann, Paris, 2019, « Coup de Cœur » du Prix France Musique Claude Samuel 2020), il s’oriente davantage vers les musiques actuelles islandaises, leur consacrant plusieurs communications et publications, et préparant un ouvrage consacré à Björk. Son article « À propos d’identité. Analyse de la pop music islandaise moderne de Björk » (Musurgia, XXVII/3, 2020) a reçu le Prix Jean-Jacques Nattiez 2020.

Pierre Fargeton (Université Jean-Monnet Saint-Étienne)

Jean Sablon, reflet français des premiers crooners étatsuniens ? Une analyse comparée

Quoiqu’il ait partiellement été éclipsé de la mémoire collective par la notoriété-écran de vedettes ultérieures (comme Charles Trenet ou Charles Aznavour), Jean Sablon (1906-1994) fut sans doute le grand modernisateur de la vocalité dans la chanson française, au seuil des années 1930. Pionnier de l’usage du microphone, figure radiophonique et immense vedette du disque, Sablon fut perçu de manière paradoxale, au gré de sa carrière au moins transatlantique (Europe, États-Unis et Brésil particulièrement) comme à la fois le plus « frenchy » des chanteurs français avec Maurice Chevalier et « le premier à avoir apporté en France le style américain » (dixit Jacqueline François, vedette de la chanson d’après-guerre). Double facette que le premier documentaire qui lui fut consacré, peu après sa mort, en 1996, résumait ainsi : « Jean Sablon a incarné la version française du crooner américain ».

Il s’agira donc dans cette communication d’aller aux sources présumées de la vocalité de Jean Sablon : les pionniers les plus connus du style crooner américain, Bing Crosby, Rudy Vallee et Russ Columbo, ainsi que le plus confidentiel Jack Smith, dont on sait que Sablon l’écouta religieusement dès 1927-1928. Cette analyse comparée des outils expressifs des chanteurs de ce corpus sera menée avec différents outils informatiques (Partiels, Praat…), dont l’étude détaillée des sonagrammes de la voix isolée de son accompagnement instrumental.

Les résultats escomptés, outre la démonstration de l’intérêt que peuvent présenter les nouveaux outils d’analyse pour la compréhension du style vocal dans la chanson populaire, pourront aussi interroger le bien-fondé de la perception courante du style de Jean Sablon comme un phénomène univoque d’américanisation.

Notice biographique

Pierre Fargeton est maître de conférences HDR en musicologie à l’Université Jean-Monnet St-Étienne. Chercheur à l’IHRIM (UMR 5317), il a publié l’ouvrage André Hodeir : le jazz et son double (Symétrie, 2017), récompensé par le Prix du Livre de jazz 2017 de l’Académie du jazz, ainsi qu’une somme consacrée au critique de jazz Hugues Panassié, Mi-figue, mi-raisin (correspondances Hugues Panassié – André Hodeir), suivi de Exégèse d’un théologien du jazz (la pensée d’Hugues Panassié dans son temps), Outre Mesure, 2020. Il est aussi l’auteur de Boppin’ with Django (Delatour, 2021) et de deux ouvrages collectifs chez Hermann (Écoute multiple, écoute des multiples, 2019 ; Une musicologie entre textes et arts : hommages à Béatrice Ramaut-Chevassus et Alban Ramaut, 2021). Il a récemment co-dirigé avec Vincent Cotro À l’invisible nulle n’est tenue. Questions de genre et place des femmes dans le jazz (PuFR, Tours, 2023), et avec Yannick Séité Quand les musiciens de jazz (s’)écrivent (Hermann, 2023). Actuellement en délégation CNRS à l’Ircam (STMS, équipe Analyse des Pratiques Musicales), il travaille sur la chanson française des années 1930.

Chieh Huang (University of California, Irvine)

Weaving Worlds : The Interlacing of Atayal Language and Heritage into Contemporary Composition

Positioned at a cultural juncture and influenced by my Atayal lineage, my journey as a musician and composer is intrinsically oriented toward a deeper exploration of my ancestral roots. While linguistic fluency might remain elusive, the structural, syntactic, symbolic meaning, and acoustic nuances of a language provide a rich pool of materials for my music compositions. This integration, however, doesn’t seek to merely phonate music but strives to incorporate the intricate grammatical, rhythmic, and metaphorical nuances of the Atayal language into numerous musical parameters, including purely instrumental music.

Music composition is another form of a holistic approach to utilizing the Atayal language, culture, and heritage, with the conception of Atayal’s space and time. By integrating tools such as MAX/MSP, MalletKat, the GALAXY/Spacemap Go speaker system, MUGIC, SPEAR, RX 10 and Praat, my methodology aims to capture and dissect rhythmic constructs, pitch tendencies, the metaphorical meaning behind the sentences, and the idiosyncratic sonic attributes of the Atayal linguistic soundscape.

To begin the composition process, one can start by using the recorded speech material. This initial step aims to make the composition sound as close to speech as possible, which helps to hear it sonically. While the intention is not to create speech-like music, this method serves as a helpful starting point. Phonetic analysis tools like Praat and SPEAR can be used to analyze the formant and frequency contours of speech. SPEAR offers a very detailed analysis of the time varying frequency content of a sound, as a sinusoidal model offers a great deal of flexibility for editing and manipulation. Hundreds of simultaneous partials can be synthesized in real-time.

As we navigate the Anthropocene era, it is paramount to forge connections across landscapes and soundscapes. The Atayal language emphasizes the importance of speech materials in connecting the past, present, and future. Our world is full of diversity, and we should embrace these multiplicities by revering collective origins instead of seeking a single one. By nurturing and respecting the interconnected relationships that shape our existence, we can work towards a more harmonious future.

Notice biographique

Chieh Huang is a percussionist, vibraphonist, and composer. Her latest work, « Indigeneity and Computer Music in the Anthropocene », was published in December 2023 by Array, a journal of the International Computer Music Association (ICMA). Ms. Huang’s research delves into exploring sounds via keyboard percussion instruments, embracing the Atayal language and heritage as one of the parameters for contemporary music composition. She has significantly contributed to national and international conferences, presenting on « Indigeneity and Three Atayal Values ». Ms. Huang has participated in many projects and collaborations, including Google News Initiative Case Studies, Tele Espacios Activos, Corcoran-Be Home, Greenacres Foundation, iRhythm Technologies, and the Findings Report. Her most recent endeavor, « Songs of Ancestors : Capturing the Sound of Amis and Atayal », is slated for completion in September 2024. This project will professionally record the ancient songs of the Amis and Atayal, devoid of any modern instruments, and will be released as an album on all major streaming platforms. Currently, Ms. Huang is advancing her academic career as a PhD Candidate in Integrated Composition, Improvisation, and Technology (ICIT) at the University of California, Irvine. Her academic excellence has led to numerous scholarships and awards. These include the UC Irvine Diversity Recruitment Fellowship, the Medici Scholarship (which she received twice), a Grant Award from the UCI Center for Asian Studies, and the Tierney Scholarship.

Richard Bracknellin (Newcastle University)

« On the path of changes » : Accent, Place and Genre in Scottish Folk-Rock Music

The recent growth of multimodal and interdisciplinary approaches in voice studies has yet to yield a concerted study of how singers’ accent and pronunciation contributes to the ways in which their music is received and understood. This is in part because musicology lacks some of the analytic and conceptual tools needed to isolate its function and analyse its meanings. However, such tools are often deployed in sociolinguistics, a field with its own tradition of research into vocal music (Trudgill 1983, Simpson 1999, Coupland 2012). By adapting approaches from phonetic and phonological research to the study of vocal music, we can better understand the complex relationships connecting accent to place, genre and identity.

Using the example of Scottish folk-rock band, Tide Lines, I explore how singers modify their pronunciation to position themselves in relation to the norms and expectations of a musical style or genre. Sociolinguistic work in this area (Beal 2009, Coupland 2012) has theorised the role of linguistic behaviour in the process of generic-stylistic identification but the disciplinary scope of these studies necessarily marginalises the musical facets of singing. My research seeks to redress this imbalance by establishing how the phonetic and musical characteristics of a vocal performance interact to create a qualitative impression of a voice singing with a particular accent. We can then conceptualise how that impression influences secondary judgements about style and genre. In the case of Tide Lines, whose musical style and self-presentation appears to be shifting away from a « Celtrock » or « folk-fusion » identity and towards a commercial pop or rock one, can we detect a shift in lead singer Robert Robertson’s sung pronunciation that correlates to this apparent change in aesthetic and musical direction ?

In the mixed-methods tradition of authors such as Victoria Malawey (2020) and Steven Rings (2015), I draw upon spectral analysis (a technique common to both sociolinguistics and voice studies) as well as conceptual and embodied approaches to vocal delivery (Heidemann 2016, Jarman-Ivens 2011, Kane 2015). The musicological applications of key sociolinguistic frameworks, such as Allan Bell’s work on « audience design » (1984, 2002), are also discussed. I conclude by outlining some areas of congruence between voice studies and sociolinguistics and suggesting how my research might pave the way for future collaboration between the two disciplines.

Notice biographique

Richard Bracknellin is a PhD researcher based in the International Centre for Music Studies at Newcastle University, supervised by Dr Richard Elliott (Music) and Dr Damien Hall (Linguistics). His doctoral research examines the role of accent and pronunciation in vocal delivery, with a particular focus on how accent contributes to the construction of genre- and place-based meanings in Anglophone vocal music. The three case studies that will ultimately sit at the heart of the finished thesis focus on Scottish folk-rock band, Tide Lines, US country singer, Luke Combs, and British acapella sextet, The King’s Singers. Beyond his doctoral studies, Richard’s research interests encompass a wide range of themes related to singing and vocal music, reflecting the diversity of his experiences as a musician and researcher.

Alongside his doctoral studies, Richard works as PGR Training and Development Officer at York St John University, overseeing a programme of training and development opportunities for postgraduate researchers.

Leah Amarosa (University of Oregon)

The « Cathartic Cry » in Hip-Hop : Redefining Sonic Warfare

Modern hip-hop artists are embracing vulnerability, challenging the legacy of hypermasculinity and braggadocio that epitomized the genre in the 1990s. While various scholars and journalists have written on this paradigm shift (Jones 2017, Brown 2006), few have addressed the role of vocality in navigating hip-hop’s dynamic landscape. Yet as rappers express their deepest regrets and vulnerabilities in their music, one expressive voice arises, a combination of rapping and crying, which I name the « cathartic cry ». Recent music-theoretical studies in popular music have highlighted the rich semiotic and phenomenological capabilities of the recorded voice (Heidemann 2016, Wallmark 2022), but in a genre where a distinct vocal persona is the marker of authenticity, what results when hip-hop artists transgress the norms of vocal expression ?

In this paper, I center the « cathartic cry » as a cultural weapon against hegemonic masculinity. This voice is characterized by its fusion of crying and rapping, with distinct audible markers including irregular breathing, sudden pitch and volume fluctuations, and a squeaky or raspy timbre. Utilizing methodologies from music cognition (Colling and Thompson 2013, Cox 2011) and race and masculinity studies (Forman 2021, Shabazz 2014, White 2011), and repurposing Steve Goodman’s (2010) term « sonic warfare », I argue that the cathartic cry declares sonic warfare on hypermasculinity and braggadocio in hip-hop, and through shared motor resonance, motivates ethical involvement and activism in the hip-hop community.

While there are many examples, I analyze three hip-hop tracks that feature the cathartic cry : « u » by Kendrick Lamar (2015), « I Can’t Go to Sleep » by Wu-Tang Clan (2000), and « 2Honest » by Vic Mensa (2020). In these tracks, energy often directed towards performative Black hegemony is instead propelled toward emotional vulnerability.

Importantly, the cathartic cry requires more physical and emotional effort from the performers, and through mimetic motor imagery, listeners experience this voice bodily. In hearing, and consequently feeling these emotions for themselves, listeners are prompted toward action. Though the call to arms may not be as obvious as « Grab ya Glocks when you see Tupac » (Shakur 1996), hip-hop artists are using their voices to inspire connection and empathy, inevitably motivating activism.

Notice biographique

Leah Amarosa is a first-year PhD student in music theory at University of Oregon, currently studying with Drew Nobile. She received her master’s in music theory last spring from University of Cincinnati. Their research areas include hip-hop flow, vocal timbre, and semiotics, which have been featured recently at the Society for Music Theory Annual Meeting and in the latest volume of Intégral.